Crise Covid ou pas, on ne peut pas / plus gérer les grands sites évènementiels comme avant

Christophe CAILLAUD-JOOS

Directeur Général Tours-Évènements

En tant que Directeur général de Tours Événements, vous mettez à disposition des organisateurs d’événements un Palais des Congrès & un Parc des Expositions.  Comment avez-vous vécu et géré la situation ?

CCJ : C’est un mauvais moment à passer, mais qui va passer. Le monde « d’après » que certains essayent de vendre va ressembler furieusement au monde d’avant. Il ne faut pas se faire d’illusion, nous le voyons déjà. Néanmoins, ce qui change profondément c’est notre rapport au sens, à l’environnement et à la place de l’Homme dans nos organisations. La conscience environnementale est aujourd’hui indissociable de toutes actions. Et tant mieux. Car il y a une dérive de l’évènementiel, une perte profonde de sens au profit de l’artifice. Notre industrie peut devenir très polluante si elle ne régule pas. Tours Evenements a travaillé pour obtenir la norme ISO 20121 et c’est notre contribution à intégrer pleinement une démarche environnementale.

A titre personnel, j’aime ces moments de crise car cela nous oblige à nous remettre totalement en cause, à détecter les failles de nos process et de notre business model, à aller à l’essentiel, à penser, à travailler sur notre créativité pour dessiner l’entreprise et l’éco-système dans lequel nous voulons évoluer. En bout de course, nous allons progresser. Et c’est toute l’entreprise avec tous ses collaborateurs qui est associée à cette réflexion. La crise va nous laisser en difficulté quelques mois mais nous aurons réappris à nous parler pour construire de nouvelles références organisationnelles.

Depuis plus de 15 ans que je fais ce métier, j’ai vu des milliers d’évènements, parfois des débauches technologiques qui n’avaient aucun sens, si ce n’est de masquer le peu de fond de certains rendez-vous. Revenons à l’essentiel de l’évènement : pourquoi doit-on se réunir et qu’attend on de cette rencontre ?

 

Quelle place prend ou prendra le digital pour une entité comme Tours Événements ?

Le Digital est déjà présent !  L’émergence d’une culture phygitale n’est pas nouvelle, la crise COVID n’a fait qu’accélérer ce phénomène. Nous travaillons pour que la question audiovisuelle et digitale ne soit pas un problème pour nos clients sur nos sites : les équipes sont formées et nous sommes équipés de dernières technologies, l’idée étant de proposer des solutions efficaces d’un bon rapport qualité / prix. Nous sommes entrain de définir les contours d’un futur studio digital permanent dans nos espaces et de continuer à doter nos infrastructures des outils audiovisuels nécessaires. Mais cela reste des outils au même titre de l’investissement que l’on fait sur la qualité de nos fauteuils.

 

Pensez-vous qu’un essor d’événements 100 % digitaux peuvent menacer une partie de l’activité des palais des Congrès ou Parcs des Expositions ?

Il n’y a rien de plus pénible qu’un évènement 100% digital ! Rester plus d’une heure derrière son écran, voire deux heures pour les plus motivés est une prouesse psychique !  Qu’il y ait un développement du digital est une certitude mais je ne crois pas du tout que cela menace nos activités. Et puis ne réduisons pas les évènements aux seuls évènements corporate : il y a les concerts (nous en accueillons ou produisons plus de 70 chaque année), les salons, les Foires, bref tous ces moments de vie relationnelle qui traduisent justement un besoin profond que nous avons de nous retrouver.

Venir à un évènement c’est aussi « sentir » un marché, ses tendances, c’est sortir de son écran et de chez soi pour se régénérer. C’est écouter vibrer une salle, c’est croiser d’autres humains et partager des moments. Même si on veut nous faire croire que notre ordinateur ou notre smart phone est notre meilleur ami, on sait très bien que c’est au détour d’une rencontre physique que tout se passe. L’un n’exclut pas l’autre. L’événement Corporate a encore de beaux jours devant lui, même s’il évolue (et c’est normal) et utilise les moyens technologiques du moment.

 

Le secteur de l’événementiel est connu pour son agilité quelle que soit la situation. Cette nouvelle situation est-elle une opportunité pour faire évoluer ce secteur ou ce ne sera qu’un épisode ?

Comme le rappelle le physicien Etienne Klein, c’est l’état critique du présent qui justifie nos actions, l’innovation n’étant qu’une action qui vise à maintenir les choses en l’état ! Nous avons tellement peur de perdre nos acquis que nous courrons derrière de nouvelles formes de business pour continuellement s’adapter. Ce secteur évolue constamment et j’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour toutes les femmes et tous les hommes qui travaillent dans l’évènementiel : ils ont toujours une solution à un problème pour que tout se passe bien à l’heure prévue ! Nous réglons 1000 problèmes chaque jour en live. Cette industrie est épuisante mais géniale. Je ne me fais pas de souci pour notre avenir, nous aurons les idées pour évoluer. 

 

On parle de plus en plus d’événements hybrides (événements à la fois physiques et en ligne). Comment un lieu physique peux-t-il accompagner ou aménager ses espaces et ses services pour ce type d’événements ?

Crise Covid ou pas, on ne peut pas/plus gérer les grands sites évènementiels comme avant. Certains veulent voir mourir ces lieux, je crois profondément à leurs mutations et à la création de valeur ajoutée qu’ils peuvent avoir.

Les sites évènementiels commencent à se réinventer profondément en organisant différemment leurs espaces. La sacralisation de l’événement pour l’événement est terminée.

Je ne crois plus du tout à la construction de grands sites hangars uniquement dédié à l’événement. En tout cas, je milite furieusement pour des sites intégrés à la vraie vie du territoire, imprégnés de son identité, en lien avec la réalité. Offrir des espaces multi-activités est un des enjeux majeurs où l’événement sera une composante mais pas la seule. Toutes les activités économiques, culturelles, sociales, gastronomiques et événementielles doivent se croiser et converger. Nous devons recréer des villages dans ces énormes structures. Nos publics qu’ils soient professionnels ou pas recherchent autre chose et notamment des lieux plus authentiques, à la fois pratique, confortable, ouvert et expérientiel.

Christophe Caillaud-Joos est Directeur Général de Tours Evenements, qui gère le Palais des Congrès et le Parc des Expositions de Tours. En 2019, Tours Evenements a généré 15,5 M€ de CA (en hausse de + 16% vs 2018) avec 77 collaborateurs pour 191 événements dont 110 accueillis, 69 concerts, 12 salons organisés dont la Foire de Tours (5ème foires de France) et la production de l’American Tours Festival (65.000 festivaliers) www.tours-evenements.com